Dans un monde où la consommation frénétique domine, Rick Owens réinvente l’achat. Il oppose à la mode jetable une vision intemporelle, axée sur la qualité et l’art. À travers ses créations, il incite à repenser nos habitudes et à privilégier l’essence plutôt que l’accumulation.
Dans un monde dominé par une production effrénée et un marketing incessant, le consumérisme américain de la mode s’est imposé comme un symbole de gaspillage et d’excès. En 2024, l’industrie de la mode génère près de 92 millions de tonnes de déchets textiles. Ce modèle repose sur une logique où les vêtements, bon marché et jetables, répondent à une consommation frénétique et insatiable. Autrefois limitées à deux collections annuelles, les grandes marques lancent désormais de nouvelles lignes chaque mois, produisant près de 100 milliards de pièces par an sous l’impulsion de la fast fashion.
Ces chiffres vertigineux traduisent une absurdité : les consommateur·ices possèdent déjà tout ce dont iels ont besoin mais cherchent, à travers chaque achat, une justification émotionnelle ou sociale pour continuer d’accumuler. Cependant, des figures comme Rick Owens remettent en question cette spirale consumériste, proposant une alternative où la qualité, l’esthétique durable et la subversion des codes dominants prévalent.
L’illusion de l’abondance
Depuis les années 1980, les États-Unis ont joué un rôle clé dans l’imposition d’une logique capitaliste à l’échelle mondiale, transformant la mode en une industrie dominée par la consommation rapide et éphémère. Aujourd’hui, la fast fashion impose un rythme accéléré, avec des slogans comme Must-Have de la Saison ou Dernières Tendances créant une pression constante pour renouveler sa garde-robe.
Cette stratégie joue sur un sentiment d’urgence artificiel, amenant les consommateur·ices à accumuler des pièces qu’iels n’utilisent souvent qu’une ou deux fois. Un phénomène observé est celui des « hauls » sur les réseaux sociaux, où des influenceur࠰euses présentent des paquets entiers de vêtements fraîchement achetés, illustrant l’aspect compulsif de ce système. Cette dynamique a non seulement vidé la mode de sa dimension culturelle et artistique, mais a aussi intensifié les déchets textiles et la dégradation environnementale.
Selon le Parlement européen, en 2020 l’industrie de la mode était le deuxième secteur le plus polluant au monde en termes d’émissions de CO2, de gaspillage d’eau et d’impacts environnementaux.
Réinventer la consommation
Là où le consumérisme capitaliste étouffe la créativité, les créateurs࠰ices de mode s’y opposent. Rick Owens, en chef de file, redonne vie à une nouvelle forme d’achat intemporelle.
Dans un secteur de plus en plus menacé par les effets dévastateurs de la mode rapide, le gourou de la dark fashion comprend qu’il est impossible de continuer ainsi. Si on ne veut pas se retrouver dans un avenir dystopique à la Wall-E, il est impératif de changer les comportements d’achat. Sa mode, bien que coûteuse, ne suit pas la logique traditionnelle de rendre les produits attrayants pour une clientèle de masse. Elle attire celleux qui recherchent des vêtements porteurs de sens et d’intemporalité, au-delà des tendances éphémères.
Contrairement aux trends qui alimentent l’addiction à la consommation, Owens réinvente l’idée de possession. Ses vêtements, loin d’être de simples articles de mode, deviennent des « Jocondes vestimentaires » : des créations portables, empreintes de sens, de profondeur et d’une touche grunge. À l’image des œuvres d’art, ils incitent à une réflexion sur l’acte d’achat. On ne les achète que si l’on est prêt·e à en comprendre et à en embrasser leur essence. Une fois acquises, ces pièces traversent le temps, destinées à être conservées, jamais abandonnées.
Dans cette même démarche de remettre en question la surconsommation, sa collaboration avec Veja repousse les limites. Iels utilisent des matériaux recyclés pour créer des pièces audacieuses et éthiques. Leurs chaussures, alliant design avant-gardiste et éco-conscience, incarnent l’engagement d’Owens. Elles fusionnent une esthétique radicale avec un message fort : repenser notre consommation et protéger l’environnement.
Samuele Matteuzi
Image de couverture créée grâce à l’IA.

About the Author
Samuele Matteuzzi
Rédacteur permanent pour Blazé·e·s Magazine et étudiant en Master Mode et Communication à l’Université de la Mode de Lyon, je tisse des récits où la mode, les séries et les cultures se rencontrent pour raconter des histoires uniques. Mi-Italien, mi-Australien, je me considère comme un styliste de la langue : je façonne les mots avec la même précision qu’un couturier travaille ses étoffes. Après une licence en traduction et interprétation pour la mode, et une expérience comme professeur d’anglais, j’ai traversé l’Italie pour rejoindre Lyon, où je continue d’explorer les liens entre style et storytelling.

