Le fétichisme des culottes usagées, autrefois discret, a trouvé un terrain fertile sur le web. De simples objets du quotidien deviennent des symboles de désir, effaçant les frontières entre l’intime et la consommation et créant un marché où fantasmes et mode se rencontrent.
En abolissant en un clic les barrières autrefois imposées par la pudeur et le tabou, Internet a fait de la pornographie une évidence du quotidien. La prolifération de ses catégories et de ses contenus a tissé un espace où les fantasmes sexuels, longtemps relégués à l’ombre, trouvent désormais une place plus assumée. Du bondage à la podophilie, on est de plus en plus exposé⋅es à une diversité de pratiques, parfois extrêmes, qui nourrissent et transforment les imaginaires collectifs et individuels.
Au-delà de l’attrait pour les pieds, renforcé par l’ascension de la plateforme d’OnlyFans en 2016, un nouveau phénomène capte désormais l’attention : la vente de culottes usagées. Ce marché en pleine expansion trouve sa place sur une multitude de forums, plateformes et espaces de vente, s’implantant progressivement dans un univers où fétichisme et mode se mêle, le « fetishwear ».
L’Objet du désir
Lidewij Edelkoort, trend forecaster (analyste de tendances), l’explique très bien. Le fétichisme, en tant que phénomène profondément ancré dans la nature humaine, se manifeste souvent de manière discrète, mais parfois également de façon plus ouverte. Lorsqu’il se lie à la mode, notamment sous le terme de « fetishwear », il convient de remonter aux premières expériences sensorielles de l’enfant, qui interagit d’abord avec sa mère et ce qui peuple son environnement.
Au fil du développement, l’enfant est fréquemment associé à un compagnon transitionnel, tels qu’une peluche ou une couverture, avec lequel il tisse un attachement affectif qui laissera une empreinte durable sur son comportement. Cette connexion originelle trouve une résonance dans les objets qu’il choisira plus tard, des vêtements aux accessoires, qu’il portera ou manipulera en quête de la sécurité et du réconfort éprouvés durant cette période formative. Même leur évocation, même sous forme d’image ou de représentation, peut raviver des sensations intenses, suscitant des souvenirs et des émotions liés à la protection.
Cette connexion affective entre l’individu et ce qui l’entoure est le cœur même du fétichisme. Bien que souvent perçu comme un désir ou une préférence « déviante », il est, en réalité, un mécanisme psychologique aussi ancien que l’humanité elle-même. Lorsque ces objets acquièrent une signification particulière, qu’elle soit liée à la sécurité, au désir ou à la réminiscence de l’enfance, ils deviennent des symboles capables d’éveiller des plaisirs insoupçonnés.
Fragments d’Intimité
La vente de culottes usagées, phénomène qui pourrait sembler marginal, est l’expression la plus contemporaine de ce processus. En offrant un objet symbolique, un morceau d’intimité porté, vécu, et chargé de mémoire, elle attire un public en quête de sensations rares, du vertige troublant de posséder une part de l’autre.
Bien qu’interdit par la loi japonaise aujourd’hui, il y a quelques années encore, il était possible de se procurer des culottes usagées dans des distributeurs automatiques disséminés dans les rues. Si ces distributeurs ont disparu, le désir pour ces objets fétichistes persiste néanmoins et dans certains sex-shops, il est même encore possible de les acheter illégalement.
Dans le monde entier, sur Internet, de nombreux sites spécialisés dans la vente de culottes usagées ont vu le jour. Parallèlement, des forums dédiés à ce marché se sont également multipliés, facilitant les échanges entre acheteurs et vendeurs. Leurs prix oscillent généralement entre 25 et 300 euros, en fonction de l’usure de l’article et de la personne qui l’a porté. Certain.es ont même transformé cette pratique en véritable business, générant des revenus dépassant les 60 000 euros.
Ces plateformes, en réponse à une demande croissante, révèlent un phénomène où l’objet fétichisé devient bien plus qu’une simple marchandise. Il devient un symbole empreint de promesses, d’intimité et de mystère.
Samuele Matteuzzi

About the Author
Samuele Matteuzzi
Rédacteur permanent pour Blazé·e·s Magazine et étudiant en Master Mode et Communication à l’Université de la Mode de Lyon, je tisse des récits où la mode, les séries et les cultures se rencontrent pour raconter des histoires uniques. Mi-Italien, mi-Australien, je me considère comme un styliste de la langue : je façonne les mots avec la même précision qu’un couturier travaille ses étoffes. Après une licence en traduction et interprétation pour la mode, et une expérience comme professeur d’anglais, j’ai traversé l’Italie pour rejoindre Lyon, où je continue d’explorer les liens entre style et storytelling.