C’est le nouveau visage du monde de la lingerie. Baptisée « sculptrice des rondeurs » par Arte, Michaela Stark ne fait pas que questionner les standards de féminité, elle les fait voler en éclat. Artiste aux multiples talents, elle fait de son corps une toile et de la couture son pinceau.
Des corsets, de la ficelle, du tulle et des fleurs, c’est la panoplie de Michaela Stark, créatrice de mode et adepte de body morphing, une pratique qui transforme le corps en un outil de travail. « The anatomy of a Flower », son calendrier photo 2025 en collaboration avec Daniel Del Valle, en est l’illustration. On y retrouve Michaela, recouverte de fleurs, dans ses corsets qui rebondissent ventre, poitrine et cuisses, devenus les pièces maîtresses de sa lutte contre les injonctions de beauté.

Originaire de Brisbane, en Australie, Michaela Stark découvre Milan lors d’un échange organisé par son cursus de design de mode à l’université de Queensland. Elle restera profondément marquée par ce voyage en Europe, si bien qu’elle s’installe à Londres en 2017, où elle débute ses créations. Elle réalise en parallèle plusieurs stages, notamment chez la designeuse Claire Barrow, qui parfont sa formation. En 2018, elle est repérée par Beyoncé puis Shygirl, pour lesquelles elle fabrique des costumes de clips vidéo. Mais c’est avec « Stark Naked », une série photo avec Sølve Sundsbø, exposée au 3537 à Paris en 2021, que Michaela Stark assoit son identité visuelle et sa présence dans la sphère mode. On la découvre presque entièrement nue, serrée dans un corset, le corps emberlificoté. Tout est fait pour révéler les traits que la mode aime à dissimuler.
Au-delà du body positive, le « corps grotesque »
Bien loin des campagnes de sous-vêtements aux morphologies ultra standardisées, à l’instar de Calvin Klein, ou de leurs timides pas vers le body positive (célébration des corps naturels), Michaela joue avec son anatomie pour déranger le regard et bousculer les esprits. Pour elle, l’art et la mode existent sur un continuum dans lequel elle navigue, entre créations textiles et performances théâtrales. A contre-courant d’une industrie à la cadence toujours plus intransigeante, Michaela se libère par le jeu du body morphing. Cette pratique nécessite un entraînement particulier pour diminuer sa taille, ce qui lui permet de serrer son corset au maximum et de faire ressortir ses formes. En 2024, elle présentait ainsi deux mises en scène à Londres où elle figurait comme personnage principal, costumée de ses créations, taille cintrée et ventre protubérant.

Le « corps grotesque », évocation du monstrueux empruntée au monde du théâtre, est ici sublimé par Michaela Stark. A coup de lingerie délicate, elle lui rend sa valeur pragmatique et esthétique. En soulignant ce qui est caché dans l’ombre des plis, Michaela crée une nouvelle silhouette que le public, trop habitué aux normes de beauté, regarde avec dégoût. Et c’est là tout le travail de l’artiste : exagérer les formes pour mieux questionner le fond.
« Je veux créer un nouveau type de corps »
Si le corps peut se déformer pour porter des jeans skinny, pourquoi ne pas faire de l’inconfort un choix et reprendre la main sur le récit ? C’est la proposition de Michaela, dont le souvenir des vêtements cisaillant la chair l’a amenée à incorporer ficelles et corsets dans ses créations. Sa collection de fin d’étude se centrait déjà sur l’ère victorienne, et particulièrement la sexualisation des jeunes filles de 10 ans par le biais du corset. Aujourd’hui, Michaela joue avec les complexes pour mieux les surpasser, et, fidèle à la culture londonienne, elle se rebelle contre les standards grâce à la mode.
Ce qui avait commencé comme des recherches personnelles devant son miroir s’est transformé en une réelle identité de marque. La créatrice s’exerce aujourd’hui à des designs pour toute silhouette, expérimente avec les textiles, revisite les bloomers et les collants. Après plusieurs années de travail sur commandes, elle crée sa marque de prêt-à-porter Panty avec Raga Munecas en 2022. Label de slow fashion du XXS au 5XL, comme l’indique son compte Instagram, Panty a droit à sa première présentation à la Fashion Week de Milan en 2024. Avec ce nouveau projet, Michaela Stark autorise d’autres morphologies à être belles et désirables en refusant les injonctions du male gaze omniprésent.

Malgré des bannissements d’Instagram pour contenu inapproprié, Michaela jette les bases d’un nouveau regard sur les corps. En 2023, elle participe au VS20 de Victoria’s Secret, une campagne inclusive qui invite une vingtaine d’artistes à repenser la marque, connue pour ses Angels au physique inatteignable. Michaela, avec ses designs non genrés qui célèbrent toutes les formes, y fait sensation. Si l’inclusivité chez les géants comme Victoria’s Secret n’est encore que ponctuelle, Michaela Stark nous rappelle que tout Angel à droit à son paradis.
Fanny Jonckeau
© Rana Munecas/Michaela Stark

About the Author
Fanny Jonckeau
Rédactrice permanente pour Blazé•e•s Magazine et étudiante en master Mode et Communication à Lyon 2. J’ai suivi une formation en sciences du langage et je m’intéresse aujourd’hui à ce que disent les vêtements. Au-delà d’une appréciation pour la création, j’envisage la mode comme un outil pour parler des enjeux contemporains et mettre en perspective nos habitudes de consommation.