Quel est le point commun entre Jeremy Allen White, un florilège de publicités controversées, et un retour à la Fashion Week de New York ? Calvin Klein, bien sûr. Pour s’imposer dans la mode, la célèbre marque a aimé choquer et provoquer, tout en participant à l’évolution de certaines mœurs.
Après Calvin Klein Jeans, les années 1980 sont imprégnées par Calvin Klein Underwear. Bien que le lancement d’une gamme de sous-vêtements ne soit pas révolutionnaire, sa communication, elle, l’est. Les affiches publicitaires ont toujours été le médium préféré de la marque pour mettre en avant ses produits. Inspiration ou plagiat, Calvin Klein prend exemple sur Jockey, et leur innovation publicitaire de 1981. C’est la première fois que des corps dénudés sont autant mis en avant et diffusés à grande échelle pour de la publicité. L’année suivante, Calvin Klein Underwear partage sa première campagne et triomphe.
Les années 1990, de par l’évolution des mœurs, annoncent un réel tournant. En 1992, une nouvelle campagne publicitaire signée Calvin Klein choque. Elle met en scène de jeunes mannequins, vêtus seulement des sous-vêtements de la marque. La presse généraliste s’empare de l’affaire et accuse l’entreprise d’exploitation de mineur⋅es. Les corps dénudés, aux positions parfois suggestives, se retrouvent à chaque coin de rue. L’impact est tel que le journal The New Yorker illustre, pour la couverture de son édition de Septembre 1994, ce nouveau mode de communication qui ne cesse d’envahir les grandes villes.

La construction d’un idéal de beauté
Depuis sa première campagne, Calvin Klein joue avec des photographies dénudées et provocatrices. En 1982, le premier modèle de la gamme Underwear est l’athlète brésilien Tom Hintnaus. Entre fond de couleur uni, et sous-vêtements à bande élastique revêtée du nom de la marque, un dernier ingrédient manque pour compléter la recette Calvin Klein… le corps.

Les mannequins sélectionné⋅es ont systématiquement un corps jeune, fin et musclé. Calvin Klein s’amuse à mettre en scène des corps dits « sportifs », peut être pour faire écho à l’allure sportswear des produits que la marque propose. Mannequins, athlètes, célébrités, tout le monde peut devenir égérie Calvin Klein, si sa morphologie répond aux critères de la marque. Loin des mouvements body inclusive, ces campagnes de publicités ont contribué à la construction d’un idéal de beauté, notamment masculin.
Vers un culte de l’homme-objet ?
Les campagnes « I speak my truths #MYCALVINS », sortie en 2019, et « Calvins or Nothing » (2022), avaient pourtant entrouvert une nouvelle porte de l’histoire Klein et de ses modèles de beauté. Malgré ces efforts express, des mannequins, comme Kate Moss, ont durablement implanté le modèle de beauté des années 1990 et 2000. Les campagnes publicitaires plus récentes de la marque poursuivent alors ce travail. Le professeur et expert en publicité Benjamin Bloch dénonce, dans un reportage pour Les dessous de l’image de Arte, un renouveau des critères de beauté se déplaçant vers un culte de l’homme-objet.
« Les hommes se mettent à découvrir, d’une certaine manière, ce que vivent les femmes depuis 50, 70 ans. »
A l’instar de la campagne Printemps 2024 de Calvin Klein Underwear, mettant en scène l’acteur Jeremy Allen White sur les toits de New York, ce culte renverse celui de la femme-objet instauré depuis une cinquantaine d’années. Benjamin Bloch confie à Arte, « les hommes se mettent à découvrir, d’une certaine manière, ce que vivent les femmes depuis 50, 70 ans ». Si l’homme-objet, dans la publicité, existait bien avant l’acteur de la série The Bear, l’impact de cette inversion des rôles pousse à se questionner quant à l’utilisation des corps au service de la publicité, et à son renouvellement constant, bien que marqué par des mouvements d’inclusivité.
Montrer pour sensibiliser
Contrairement au cloisonnement sur la diversité des corps, Calvin Klein utilise ses publicités pour sensibiliser les publics à d’autres causes. La marque lance en juin 2023 sa campagne Let It Out, à l’occasion de la Marche des Fiertés. Les acteur⋅ices Amandla Stenberg et Brandon Flynn, membres de la communauté LGBTQ+, sont filmé⋅es selon les codes Klein. Les protagonistes portent la collection Pride 2023, brodée du slogan « This is Love » sur les célèbres bandes élastiques des sous-vêtements de la marque. Les deux spots publicitaires représentent métaphoriquement le coming out. Si Flynn franchit des portes, Stenberg est entourée de microphones. Les campagnes sont en noir et blanc, mais s’illuminent des couleurs vives du drapeau LGBTQ+.
L’identité et le genre sont des causes soutenues depuis longtemps par Calvin Klein. Ce type de campagne engagée met en lumière la vulnérabilité liée à l’intimité, quelle que soit sa forme. Par sa publicité, Calvin Klein montre la (triste) dualité de la mode. Ses choix artistiques ont permis de forger la griffe de la marque, mais aussi ses faiblesses.
L’arrivée de la nouvelle directrice créative, Veronica Leoni, marquera-t-elle un tournant dans l’histoire de Calvin Klein ? Réponse sur les podiums de la NYFW 25/26.
Violaine Charvet
© Calvin Klein

Violaine Charvet
About the author
Rédactrice permanente pour Blazé∙e∙s Magazine. Etudiante en Master Mode et Communication à l’Université de la Mode Lyon 2. J’ai suivi une formation en Information Communication. J’aspire à écrire des articles culturels en lien avec la mode.