Le Slip Français, l’étiquette de la fierté

Symbole d’un savoir-faire hexagonal, la marque Le Slip Français clame haut et fort « liberté, égalité et fraternité ». Derrière chaque pièce, l’étiquette Made in France devient un manifeste, entre fierté nationale et promesse de qualité. Mais qui garantit réellement cette mention ? 

Tout a commencé avec un pari fou : vendre des slips faisant levier sur la France. Avec un stock de seulement 600 pièces entreposées dans le garage de sa grand-mère, en 2011 Guillaume Gibault, fondateur de la marque Le slip Français, se lance dans l’aventure. Très vite, l’engagement pour une production locale, associé à une communication décalée et audacieuse, lui permet de se faire une place dans le paysage textile hexagonal.

Aujourd’hui, l’étiquette « Made in France » est un véritable atout pour la marque, gage de qualité et de savoir-faire local. Toutefois, au niveau européen cette mention ne garantit pas toujours une production 100% réalisée dans le pays mentionné. Le processus de fabrication peut parfois impliquer des étapes effectuées à l’étranger, bien que le produit final porte fièrement le label.

Le made in France durable

Le Slip Français est une aventure entrepreneuriale qui incarne le renouveau du textile français et l’engouement pour le Made in France. Mais plus qu’un simple fabricant de vêtements, la marque revendique sur son site une démarche éthique et durable, réconciliant tradition et innovation dans un secteur longtemps fragilisé par la mondialisation.

Guillaume Gibault, fondateur de la marque Le Slip Français
Guillaume Gibault, fondateur de la marque, n’a qu’un motto : « Si vous voulez changer le monde, commencez par changer de slip ! » © Alexendre Lasnier

D’abord spécialisée dans les sous-vêtements, Le Slip Français a essayé d’ élargir son offre avec une gamme complète de vêtements tout en maintenant son engagement pour le Made in France. La marque privilégie désormais des matières écologiques, comme le coton bio, le lin et le chanvre, et a obtenu en 2022 la certification B Corp, gage de son engagement pour une production plus éthique et durable.

L’illusion du 100%

Si Le Slip Français fait du « Made in France » son fer de lance, cette revendication repose sur un cadre légal précis, qui définit les conditions d’utilisation de cette appellation. En Europe, cette mention est régie par les règles douanières et supervisée par la Direction générale des Entreprises (DGE). Pour les produits manufacturés, comme les vêtements, l’indication de l’origine reste facultative. Pourtant, de nombreuses marques, telles que Le Slip Français, choisissent de l’afficher pour valoriser leur image et capter l’attention des consommateurices sensibles à la provenance. En revanche, seuls certains produits agricoles, alimentaires et cosmétiques sont soumis à une obligation de marquage d’origine.

À ce sujet, le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN) précise : « La mention Fabriqué en France ne signifie pas que 100 % des étapes de fabrication d’un produit ont été réalisées en France, mais qu’a minima, une partie significative de la fabrication du produit a été réalisée en France ». Concrètement, cela désigne qu’un produit peut revendiquer cette appellation s’il est entièrement obtenu en France (c’est-à-dire que tous ses composants en sont issus et que l’ensemble de sa fabrication s’y déroule) ou s’il y a subi sa dernière transformation substantielle.

Un engagement contesté

Sur son site, Le Slip Français indique que son modèle économique repose sur un engagement total pour le savoir-faire français, avec une production entièrement réalisée en France, du fil jusqu’à l’emballage final. La marque collabore donc avec 80 ateliers partenaires répartis sur tout le territoire, dont certains sont labellisés Entreprise du Patrimoine Vivant ou Origine France Garantie garantissant une véritable fabrication française. Elle affirme qu’elle contribue à la préservation des compétences locales, tout en créant des emplois directs et indirects à travers la France. Son engagement va encore plus loin car celle-ci fait le pari de produire ses articles à moins de 250 km du consommateur, favorisant ainsi une mode plus responsable et ancrée dans son territoire. 

Cependant, selon un article du média The good goods, Le Slip Français ne fabrique pas du 100% Made in France en raison de son approvisionnement en matière premières notamment le coton qui est importé d’Inde, d’Egypte et des États-Unis. C’est également le cas pour le polyester et polyamide recyclés venant d’Italie, matière quasi-indispensables à la structure d’un sous-vêtement ou d’un maillot de bain. Un travail serait en cours sur le sourcing des matières premières afin de privilégier au maximum le naturel, le local et le recyclé.

La traçabilité en question

Le Slip Français s’efforce ainsi de produire intégralement en France, mais la question des matières premières reste un enjeu central dans l’industrie textile. Comme le permet la réglementation actuelle, de nombreuses marques fabriquent en France tout en utilisant des tissus ou composants importés. Une pratique répandue, qui souligne la difficulté d’un approvisionnement 100 % national, notamment dans un secteur où certaines matières premières ne sont plus produites localement.

Face à ces limites, certains pays ont décidé d’aller plus loin pour garantir une traçabilité totale. En Italie, la notion de « 100 % Made in Italy » (loi italienne 166/2009 art. 16)  a été introduite pour s’assurer que chaque étape de fabrication, du tissage à l’assemblage,  soit réalisée sur le sol italien. En 2010, le pays a même envisagé une loi, surnommée « loi Reguzzoni-Versace-Calearo », qui aurait imposé l’affichage détaillé de toutes les étapes de production sur l’étiquette des vêtements. 

Logo du 100% Made in Italy
Le logo « 100% Made in Italy » assure l’authenticité du produit, la qualité des matériaux, l’excellence de la fabrication et la protection des consommateurs. © Made in Italy certificate

Bien que cette loi soit officiellement en vigueur en Italie depuis 2010, elle demeure inapplicable dans les faits. Le Parlement européen a rejeté ses décrets d’application, estimant qu’elle contrevient au code douanier commun, qui établit que la mention « Made in » reflète la provenance du produit et non son origine.

Samuele Matteuzzi et Maureen Manenc

© Le Slip Français

About the Author

Samuele Matteuzzi

Rédacteur permanent pour Blazé·e·s Magazine et étudiant en Master Mode et Communication à l’Université de la Mode de Lyon, je tisse des récits où la mode, les séries et les cultures se rencontrent pour raconter des histoires uniques. Mi-Italien, mi-Australien, je me considère comme un styliste de la langue : je façonne les mots avec la même précision qu’un couturier travaille ses étoffes. Après une licence en traduction et interprétation pour la mode, et une expérience comme professeur d’anglais, j’ai traversé l’Italie pour rejoindre Lyon, où je continue d’explorer les liens entre style et storytelling.

About the Author

Maureen Manenc

Rédactrice permanente pour Blazé·e·s Magazine et étudiante en Master Mode et Communication à l’Université de la Mode de Lyon. Je viens d’une formation en design de mode spécialisée dans l’innovation, le corps et le mouvement. Passionnée de graphisme, je veux faire dialoguer image et mode à travers mon travail et explorer davantage cette dimension visuelle dans l’industrie de la mode.