Vous trouvez les standards de beauté dégoûtants ? Le cinéma aussi. Et sa nouvelle arme de dénonciation est le body horror. Exit les critères absurdes, les films engagés se multiplient et incitent les spectateurs à se questionner sur ses impacts mais aussi ses origines.
Victime d’un franc succès, le film The Substance (2024) a marqué les esprits grâce au pouvoir du body horror. L’horreur corporelle, ou body horror, est un sous-genre cinématographique basé sur la déformation et la transformation non-réaliste des corps. A Hollywood, le genre n’est pas nouveau. Chargé de sens, l’altération des corps permet de dénoncer les diktats des idéaux de beauté. Après avoir contribué à la construction du corps parfait, Hollywood se met au body positivisme. Tendance ou engagement sincère, la laideur est bel et bien dévoilée sur le grand écran.
Le mythe de la femme parfaite a longtemps été renforcé par des représentations dans la sphère cinématographique. De la femme-objet à la femme badass, le male gaze et l’hypersexualisation des personnages féminins à Hollywood accumulent les polémiques. Les rôles féminins et militants refont surface à l’heure où les droits des femmes sont encore et toujours remis en question. Après Barbie (2023), la libération de la parole sur l’irrationalité des canons de beauté met en lumière des sujets sous-jacents.
Les complexes en gros plan
Le body horror devient une façon de critiquer cet archétype absurde. L’âgisme nomme la discrimination et l’exagération des effets du vieillissement. Dans les industries culturelles et créatives, l’âgisme se manifeste par l’utilisation constante de la figure de la jeunesse au détriment de personnes plus matures. Avec The Substance, le surréalisme du body horror permet de dénoncer l’âgisme des femmes de Hollywood.
Ce n’est pas la première fois que le body horror est porteur d’un message profond au cinéma. Presque 20 ans plus tôt, dans La mort vous va si bien (1992), les corps ridés, marqués par le temps et les standards inatteignables se déstructuraient.

Précurseur du combat contre l’âgisme, ce film des années 1990 se veut moqueur. Mais moqueur contre qui ? Meryl Streep incarne le rôle de Madeleine Ashton, une célèbre actrice complexée par ses rides, et nemesis du temps qui passe. « Trop de rides, trop de rides pour une actrice, j’espère qu’ils ne verront pas les cicatrices. » (« Wrinkle wrinkle little star, hope they never see the scars. »), chantonnait Meryl Streep. Si le coupable de cette guerre est sans aucun doute l’industrie, le film dépeint aussi l’actrice comme vaniteuse. Même après sa mort, lorsque plus rien n’a d’importance, son apparence devient son tout. The Substance reprend d’ailleurs la même recette.
Alors que certains considèrent le body horror comme une nouvelle façon de se rire des femmes, d’autres le trouvent révélateur.
Quand Hollywood tend la perche
En détournant l’absurde et le ridicule au profit du militantisme, le cinéma tente d’inverser les dynamiques imposées plusieurs décennies auparavant. Les films militants contre les standards de beauté sont peu nombreux et récoltent des critiques très biaisées. Il est encore difficile de traiter ces sujets, tant personnels que globaux.
L’industrie hollywoodienne a grandement contribué à creuser les différences et à valoriser certains corps plutôt que d’autres. En dehors du cinéma, divers secteurs écrivent, chantent et se parent de ces combats. Le défilé de Rei Kawakubo pour la collection prêt-à-porter Printemps-Été 1997 de Comme des garçons « Body Meets Dress, Dress Meets Body », explore la déformation du vêtement en créant une silhouette extraordinaire – au premier sens du terme.

Même si tout n’est pas une question d’âge, la gen Z et les millenials semblent prêts à continuer de casser les codes des canons de beauté. Le dernier exemple criant est signé Selena Gomez, avec son single Younger and Hotter Than Me.
Violaine Charvet
© Universal Studios

About the Author
Violaine Charvet
Rédactrice permanente pour Blazé∙e∙s Magazine. Etudiante en Master Mode et Communication à l’Université de la Mode Lyon 2. J’ai suivi une formation en Information Communication. J’aspire à écrire des articles culturels en lien avec la mode.