La friperie sur-mesure

Article rédigé par ADAM Wendy, interview faite par AL-AMINI Djanamema

La seconde-main, c’est beau, quand elle nous va comme un gant, c’est mieux ! Rencontre avec Tara et Ziyad, étudiants lyonnais en deuxième année de Master Mode et Communication à l’Université de la Mode, fondateurs d’Artisan Fripier Studio. 

DA – D’où vous est venue l’idée de créer Artisan Fripier Studio ?

Z : Aujourd’hui, avec nos expériences professionnelles et notre bagage scolaire, on est très au courant des problématiques qui sont au cœur de l’industrie de la mode. On consomme en seconde main depuis que l’on est gamin. C’est vrai que pour des raisons économiques, la fripe, c’est quelque chose que l’on connaît bien. On s’est dit qu’on aimerait par la suite ouvrir cette structure qui nous fait rêver et où il y aurait un décloisonnement de pratique, de workshop, etc… On s’est dit qu’il faut quand même le faire vivre et  que ce soit fiable économiquement. C’est pour cela, que la seconde main était quelque chose qui pouvait fonctionner, sachant qu’en plus à Lyon, il y a plein de choses à faire. On est lyonnais, on est attaché à notre ville et  on aimerait développer un peu plus cette conscience des gens à consommer différemment et donc à venir acheter des pièces en seconde main.

T : Nous à la base, on consomme pour des raisons économiques. On a fait un peu de veille sur des friperies qui nous parlaient d’un point de vue style et on s’est rendu compte qu’en fait dans les fripes qui sont assez sélectives, il faut forcément faire partie d’un milieu pour s’y sentir à l’aise. Du coup on s’est dit que ça ne servait à rien d’ouvrir une énième friperie stylée, sympa, tendance, mais où si t’es pas un peu sapé ou si tu ne fais pas partie de ce milieu, quand tu rentres, tu ne te sens pas chez toi. Ziyad a commencé à aller aux fripes avec sa maman, on voulait vraiment garder ce côté intergénérationnel. On a donc commencé à penser la fripe autour de cette idée, en se disant que le but à long terme c’est d’avoir un endroit, un atelier où les gens pourraient avoir accès aux machines, où il y aurait des transmissions de savoir-faire, etc… On en a conclu qu’il fallait déjà commencer par la marque de la fripe, et ensuite voir autour, comment faire pour avoir une manufacture de textile qui parlerait plus en général des vêtements, de la fabrication, se reconnecter aux vêtements. Je pense que c’est un truc qu’on a pas mal perdu aujourd’hui à cause du prêt-à-porter. Ça nous étonne d’avoir des t-shirts qui coûtent 30€ alors qu’en fait, c’est pas normal d’avoir des t-shirts qui coûtent 1€ ! Donc voilà, avec toutes ces idées, c’est comme ça à la base que la marque Artisan Fripier Studio est née. Ce sont les idées qu’on a mises derrière et aussi par rapport à nos bagages. On voulait vraiment ramener au sein de la fripe, pas uniquement le côté commercial mais avoir vraiment un lien avec l’artisanat. Le concept, c’est que tout est repris sur mesure sur place.

« Se reconnecter au vêtement »

DA -Vous diriez que l’une des spécificité d’Artisan Fripier c’est le lien avec le client”, fin une phrase dans le genre…

T : Exactement, l’idée déjà, c’est  : qu’est-ce qui nous stoppe à acheter de la seconde main ?  Lorsqu’on trouve un pantalon, c’est magnifique mais c’est trop grand ou c’est trop petit. On s’est donc attaqué en premier à cette problématique. On s’est aussi concentré sur l’histoire de la friperie. Puis on s’est rendu compte qu’à la base être maître fripier c’est un métier et aujourd’hui n’importe qui peut ouvrir une friperie, il n’y a pas besoin de diplôme. On a trouvé que ça pouvait être intéressant de ramener les lettres de noblesse à la friperie, et dépoussiérer un peu le truc afin de plaire aux gens qui consomment déjà et pour essayer de convertir ceux qui n’ont pas forcément l’habitude de la seconde main, en empruntant les codes que l’on peut connaître du prêt-à-porter ; quelque chose de beau, de propre. La spécificité, c’est vraiment le côté sur mesure et le fait que par exemple : Ziyad est capable sur place directement de reprendre un pantalon à votre taille, de tout retailler pour un top ou pour un décolleté et pleins d’autres choses.

DA – Comment qualifieriez- vous en quelques mots la seconde main, le vintage d’aujourd’hui ?

T : L’avenir de la mode, c’est les créateurs et la seconde main. Parce que, si on arrêtait de produire aujourd’hui, on serait capable de pouvoir encore habiller la planète pendant deux décennies. Le textile est l’industrie la plus polluante au monde. Il y a un moment donné où il faut faire avec l’existant. Je pense qu’on va être obligé, même pour les gens qui ne le veulent pas, de tôt ou tard,  de consommer de la seconde main pour pouvoir pallier à toute cette production superficielle de textile dans le monde. C’est notre rapport au vintage, on pense vraiment que c’est l’avenir. Je pense que tout est à faire dans le milieu du vintage et qu’il y a plein d’innovations et de choses à penser en termes d’économie circulaire, en termes de retour sur soi-même, etc…

« (…) si on arrêtait de produire aujourd’hui, on serait capable de pouvoir encore habiller la planète pendant deux décennies. L’industrie du textile est la deuxième plus polluante au monde. »

Z : Le vintage, c’est aussi quelque chose qui fait partie de nous. On a toujours consommé en friperie, seconde main, que ce soit du vintage, ou pas d’ailleurs. Chez Artisan Fripier Studio, dans les bacs, vous pouvez retrouver de la seconde main qui est de la fast-fashion, toujours à moindre coût et c’est toujours dans cette idée d’éducation du consommateur. Lui expliquer qu’on ne va pas le blâmer parce qu’il vient acheter de la seconde main et que c’est du H&M, du Zara, ou autres. Mais plutôt de venir consommer en seconde main car déjà, c’est plus avantageux en termes de prix, tu vas payer un prix plus juste et c’est la porte d’entrée à consommer d’autres produits. C’est un peu les produits d’appel qui vont pousser à consommer d’autres choses et se rendre compte qu’en fait: quand on rentre chez Artisan Fripier Studio, une veste Zara elle va peut-être être jolie, belle, etc, mais qu’on va aussi trouver une veste Nathalie Chaize, des années 90, de très belle facture, avec une très belle coupe et qui ne sera pas plus chère finalement. C’est un peu aussi l’idée d’avoir une réflexion. On est toujours un peu en discussion sur comment on habitue les gens à consommer différemment, comment on fait rentrer ça dans leur vie, comment on essaie de dépoussiérer cette image vieillissante de fripes sales.

« Je crois au fait que notre génération est totalement capable et a les clefs pour pouvoir réinventer le milieu de la mode et je pense que le vintage a vraiment un rôle à tenir au sein de ça qui est hyper important »

T : Le vintage ouvre à  une consommation meilleure et entre dans un développement durable qui serait plus lié à nos consommations quotidiennes. C’est vraiment là que tout se joue pour nous, à petite échelle humaine. Les grands groupes aussi doivent changer, mais je pense que nous, en tant que consommateur, on a aussi des petites actions à avoir au quotidien comme par exemple : acheter ses vêtements de manière plus écologique et plus durable. Puis,  il y a aussi le côté  hyper créatif de la seconde main qui est  sympa. Aujourd’hui, avec le prêt-à-porter, on se ressemble tous les uns les autres. On ne va  plus vraiment porter un vêtement parce qu’il nous plaît, mais on va le porter parce que le marketing t’as fait croire qu’il était censé être à la tendance pour toi. Je pense que le vintage remet au goût du jour des pièces qui sont intemporelles et que tu porteras aussi bien quand t’as vingt-cinq ans que quand t’en auras quarante et que tu pourras ensuite transmettre à ton tour à tes enfants. Nous,  en tout cas, c’est ça qui nous passionne dans le vintage ce côté hyper unique, hyper pointu. Puis moi, j’ai foi en la nouvelle génération, en tout ce que les gens entreprennent. Lyon, je sais que c’est une ville qui a un énorme potentiel. Nous on croit au fait, que notre génération est totalement capable et a les clefs pour pouvoir réinventer le milieu de la mode et nous pensons que le vintage a vraiment un rôle à tenir, c’est hyper important. Apprendre aux gens ce qu’est un vêtement au final, pour être un peu plus connecté à l’humain et connecté à la fabrication.

Pour en savoir davantage sur Artisan Fripier Studio:

ADAM Wendy

Infos pratiques