L’hexagone et son classicisme, la botte de l’Europe et son excentricité. Deux femmes bien différentes, par leurs personnalités, mais qui se retrouvent unies par leur propre destin. Gabrielle Chanel et Elsa Schiaparelli, deux rivales du monde de la mode datant des années 30.
Véritable aventurière du monde moderne, Gabrielle Chanel s’est imposée au 20ème siècle, en détruisant une mode et en créant une silhouette aux femmes. C’est en 1910, que celle qui chantait « Qui qu’a vu Coco sur le Trocadéro ? », verra l’ouverture de sa première boutique à Paris, en tant que chapelière. Petit à petit, un motif quelque peu spécial fait son apparition en 1927, l’irruption de l’originale Elsa Schiaparelli. La création de son premier motif trompe-l’œil, qui obtint un franc succès, donna naissance à sa maison de couture dont la première boutique ouvrira ses portes à Paris, en 1928. « On affronte mieux le monde armé de ses rêves », pour Gabrielle Chanel, dite « Coco », on crée mieux armé de son passé. Une jeunesse, qui fut une véritable source d’inspiration. Née en 1883, l’enfant est abandonnée à ses douze ans par son père au décès de sa mère. Orpheline, elle grandira au couvent d’Aubazine. L’austérité de ces lieux, lui ont inculqué la
rigueur dont elle aura fait preuve durant toute sa vie. Dès ses 18 ans elle enchaînera les emplois tels que couseuse et chanteuse. Le chant n’étant pas son domaine de prédilection, néanmoins ce dernier la mènera jusqu’à Étienne Balsan, homme marquant le début de nombreuses rencontres, qui lui permettront d’obtenir sa renommée. Et si la vie d’Elsa Schiaparelli n’était pas si singulière de celle de Coco Chanel ? Naissant en 1890, au Palais Corsini à Rome, elle sera elle aussi envoyée, dans un couvent en 1911, après avoir publié un recueil de poèmes vibrants de sensualité. Puis elle partira en quête de la capitale anglaise. Schiaparelli y fera la rencontre d’un conférencier avec lequel elle se mariera, mariage qui n’échappera pas au divorce. Cette étape de sa vie, la mènera à Paris où elle croisera le chemin de Paul Poiret, artiste qui tiendra un rôle majeur dans son ascension.

Deux femmes, une même clientèle
Visionnaire, instinctive et libre, Gabrielle Chanel prend de l’ampleur dans le paysage. Elle vêtit les femmes, même les plus célèbres, jusqu’aux États-Unis. Elle est la créatrice de mode la plus en vogue, et ce jusqu’à la fin des années 20 où Elsa Schiaparelli, plus jeune et plus extravagante, fera son apparition. Elle éveillera la haine de Chanel lorsqu’elle s’inspirera de son iconique petite robe noire, pour en faire une version à son image, plus osée. Outre la rivalité artistique, une différence de classe sociale était à relever, Chanel enviait la position aristocratique de sa rivale et Schiaparelli admirait Coco, cette femme qui s’était faite par elle-même. Toutes deux furent entourées d’artistes qu’elles se disputèrent durant de nombreuses années. Parmi eux : Jean Cocteau, ou encore le grand Salvador Dali avec qui Schiaparelli créera des pièces qui sont, encore aujourd’hui, parmi les plus marquantes de leur époque. Citons la célèbre Robe homard créée en 1937, qui deviendra connue grâce au port de Wallis Simpson, l’une des plus fidèles clientes de Chanel, à l’occasion d’un numéro du magazine Vogue. Les deux créatrices, similaires par le vécu mais dissociables par leurs styles, se retrouvèrent à se disputer la même clientèle tiraillée entre la sobriété de Chanel, et l’excentricité de Schiaparelli.

Une créatrice et une artiste
Les deux femmes ont des visions opposées sur leur métier. En effet, Schiaparelli va révolutionner l’art des défilés de mode en proposant des collections répondants à des thématiques précises. Elle séduira de nombreuses personnalités et confiera : « On se sentait aidé, encouragé au-delà de la réalité matérielle et ennuyeuse qu’est la fabrication d’une robe à vendre. » A contrario, Gabrielle
Chanel est une créatrice. Elle inventera les premiers dossiers de presse, une réelle pionnière. En cette période où les créateurs de mode gardaient précieusement les secrets de leurs talents, Chanel, elle, recevait les journalistes. L’organe de presse américain Life, lors de son grand retour la présentait telle que : «Chanel apporte mieux qu’une mode : une révolution ». Cette période d’après-guerre mettra fin à leurs querelles. Elsa Schiaparelli consacrera une période de sa vie à sa maison de couture, celle-ci fermera en 1954. Deux décennies plus tard, le 13 novembre 1973, elle tirera sa révérence à Paris, après une retraite où sa plume n’aura cessé de rédiger son autobiographie « Shocking Life ». Quid de Gabrielle Chanel ? Celle-ci relancera la maison Chanel dont la durée sera sûrement éternelle. Elle travaillera résolument jusqu’à ses derniers instants, le 10 janvier 1971, dans sa suite du Ritz à Paris où elle s’éteindra. Des années plus tard, leur génie ainsi que leurs talents sont toujours reconnus. Pour Coco, Karl Lagerfeld relèvera : « Seuls son charisme et son intelligence peuvent expliquer son succès. Elle avait un charme, du piquant et la beauté du diable ». Tandis que Schiaparelli est reconnue comme une éternelle poétesse de son temps. Une guerre qui aura révélé les talents des deux femmes, dont la passion coulait dans leurs veines, et qui marquera à jamais ce monde où les styles divisent mais où la mode unie.
Wendy ADAM