« Le digital ce n’est pas le monde de demain, c’est le monde d’aujourd’hui ». Les mots de Julien Weill, directeur général d’Urban Decay France, résonnent d’autant plus fort lorsqu’ils sont placés dans le contexte de la pandémie mondiale. En effet, la Covid-19 a accéléré la nécessité d’une digitalisation appliquée à tous les domaines. Le monde de la mode, plus particulièrement, est rythmé par les différentes Fashion Week qui ont lieu chaque année à Paris, Milan, New York et Londres. Très attendues, elles sont l’occasion pour les marques de Haute Couture et de Prêt-à-Porter de dévoiler leurs collections, et pour les spectateurs, d’être à l’affût des tendances futures. Or, la Covid-19 a empêché le déroulement de ces défilés emblématiques et a poussé les marques à repenser leurs stratégies marketing. C’est pourquoi elles sont de plus en plus présentes sur les réseaux sociaux numériques et tentent d’accroître leur empreinte digitale. Pour notre plus grand plaisir, cette digitalisation des défilés de mode est synonyme d’une plus grande accessibilité de ces derniers.
Des défilés accessibles pour tous

A l’origine, les défilés de mode sont réservés à une élite invitée : des amis de la marque, des ambassadeurs, des influenceurs… En d’autres termes, seuls quelques chanceux ont le privilège d’être conviés à la Fashion Week, sur invitation ou accréditation. La digitalisation ouvre la possibilité à tout le monde – et n’importe qui – de voir les shows et les nouvelles collections sur les réseaux sociaux.
Certains utilisent le terme « défimlés » pour désigner les défilés digitaux. Ils prennent trois formes principales. Tout d’abord, les marques peuvent filmer les défilés en live sur leur compte Instagram, sans montage spécifique. Les utilisateurs ont accès au défilé « brut » et voient ce que les invités en présentiel voient. Récemment, plusieurs marques ont opté pour cette technique, comme Miu Miu lors de la Fashion Week de Paris 2022. Mais elles peuvent également choisir de diffuser le défilé avec un montage plus important. Lorsque Jacquemus a dévoilé son défilé « LE SPLASH » sur Instagram, le 10 mars dernier, il s’agissait d’un film monté, avec des coupures, des zooms sur les matières, des plans de drone etc. Enfin, les marques peuvent aussi rediffuser leurs défilés, souvent sur YouTube. Nous pouvons retrouver sur les chaînes des marques tous les défilés passés. Les défilés vivent encore des mois voire des années plus tard. Par exemple, même s’il a eu lieu il y a deux ans, le Balenciaga Winter 20 Show est toujours disponible sur YouTube et comptabilise à ce jour plus de 630 000 vues.



Même si le digital est un outil très apprécié à la fois par les marques qui, pendant la période de la Covid-19 peuvent continuer à montrer leur travail et à produire, et pour les spectateurs qui ont accès à des shows qui étaient auparavant plus excluant, l’expérience du défilé reste incomplète. En effet, si nous reprenons l’exemple du Balenciaga Winter 20 Show, les invités présents sur place ont rapporté qu’une odeur de gazoline contribuait à accentuer l’atmosphère apocalyptique et anxiogène de ce défilé. Cette odeur est évidemment imperceptible à travers un écran. De plus, nous ne pouvons pas voir les matières, ni même entendre le bruit des pas ou encore des bijoux qui s’entrechoquent.
Le dévoilement des coulisses des défilés



Cette digitalisation nous permet d’aller plus loin encore ; nous sommes aussi invités dans les coulisses des défilés. Les influenceurs et influenceuses, à l’instar de Lena Situations en France qui ne rate aucun défilé de la Fashion Week parisienne, nous partagent des images exclusives des backstages. Les marques elles-mêmes en profitent pour dévoiler les séances maquillage, coiffure etc.
Ces coulisses des défilés deviennent un nouvel outil marketing car, comme le souligne Eleni Mouratidou dans son ouvrage Politiques de re-présentation de l’industrie de la mode, les marques ne montrent pas les véritables coulisses des défilés de mode, mais plutôt des « images-coulisses ». Seules les images positives sont partagées, tandis que les images négatives sont omises. Il y a une « mise en scène de la transparence » qui alimente le mystère et le prestige de ces grands défilés de mode. Les marques ont donc bien apprivoisé ce nouvel outil qu’est le digital.
La Metaverse Fashion Week : futur de la mode ou tendance passagère ?

En ce moment, du 24 au 27 mars 2022, se déroule la première Metaverse Fashion Week. Nous pouvons visionner les défilés de la Metaverse Fashion Week en ligne, sur la plateforme Decentraland, accessible même sans portefeuille électronique. Environ soixante-dix marques sont présentes, parmi lesquelles Dolce & Gabbana, Tommy Hilfiger, SHOW studio ou encore Karl Lagerfeld. Elles proposent des wearable, c’est-à-dire des vêtements immatériels que l’on peut faire porter à son avatar. Il s’agit d’un défilé à la fois digital et virtuel.
La Metaverse Fashion Week prouve que les marques de mode s’insèrent de plus en plus dans le marché des NFT et de la mode virtuelle. En 2021, Louis Vuitton avait déjà lancé son premier jeu mobile avec des NFT intégrés, intitulé « Louis : The Game ».
Ainsi, les défilés digitaux sont un outil supplémentaire pour asseoir la présence des marques dans l’espace public et médiatique, mais ils ne semblent pas constituer une alternative pérenne aux défilés en présentiel, qui sont toujours des événements fédérateurs et emprunts d’un prestige particulier.
LAMBIN Noémie