Le mercredi 22 janvier 2020 au théâtre du Châtelet, celui que l’on surnomme l’enfant terrible de la mode présentait son dernier défilé Haute Couture devant un public ému et émerveillé. Retour sur cinquante ans de carrière … Par Apolline
Jean-Paul Gaultier est né le 24 avril 1952 à Bagneux, en banlieue parisienne. Il découvre la couture grâce à sa grand-mère qui l’initie à cet art dès son plus jeune âge, mais c’est en visionnant le film Falbalas qu’il décide véritablement de faire de la mode son métier. À dix-huit ans, il devient stagiaire chez Pierre Cardin avant de rejoindre Jacques Esterel, puis, en 1971, il commence à travailler pour Jean Patou.
Malgré un premier défilé passé inaperçu, le créateur présente en 1978 sa collection Grease sous la marque Jean Paul Gaultier, sa propre maison de couture créée deux ans auparavant. Si cette collection est un échec commercial, la maison Kashiyama lui offre son soutien en proposant au couturier de dessiner pour sa marque une ligne de vêtements, James Bond. La collaboration est un succès et permet au créateur de gagner en notoriété. Cependant, c’est véritablement à partir des années 80 que Jean Paul Gaultier voit son empire grandir considérablement au point de s’imposer comme l’une des marques montantes de la mode. En effet, en proposant des idées nouvelles, surprenantes, innovantes et une vision parfois subversive de la mode, le créateur devient incontournable. Ainsi, il recycle des boîtes de conserve pour donner naissance à une collection éthique au début des années 80. Trois ans plus tard, Jean-Paul Gaultier sort à nouveau de la norme en mettant en avant les Toy Boys (Hommes objets) ; c’est d’ailleurs lors de ce défilé (Toy Boy) que la marinière apparaît chez le créateur. Ce goût prononcé pour la provocation continue lorsqu’il propose une collection unisexe en 1984 : les hommes portent ainsi des jupes. La même année, les robes aux seins coniques apparaissent dans la collection Barbès : les seins coniques seront désormais un élément incontournable et de référence du vestiaire Gaultier.
En rendant hommage à la communauté juive avec la collection des Rabbins chics (1993), Jean Paul Gaultier confirme son côté transgressif et sa volonté de créer une mode qui ne trouve ses limites ni au travers des sexes ou des origines. Ses collections sont provocantes, engagées et ne cessent d’aller à l’encontre des codes. Les défilés Jean Paul Gaultier sont d’ailleurs de véritables spectacles qui mêlent mode et diversité et il n’hésite pas à faire défiler des mannequins grandes tailles, des femmes et des hommes repérés dans la rue ou bien des célébrités telles que Mylène Farmer ou Rossy de Palma.
Mais le talent du couturier ne se voit pas uniquement sur les podiums. En effet, celui qui aime la diversité dans ses défilés explore de nouveaux horizons en confectionnant notamment les costumes de Le Défilé, un spectacle mi-défilé mi-ballet (1985). En 1990, le jeune couturier réitère l’expérience de concevoir pour autrui et créer l’ensemble des costumes du Blond Ambition Tour de Madonna. Le cinéma fait également appel à son talent : en 1994, il imagine le vestiaire de Victoria Abril dans Kika de Pedro Almodóvar puis, toujours pour le réalisateur espagnol, il crée les costumes de La mala educación et ceux de La piel que habito. Il a également conçu les costumes du film Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway en 1989, de La Cité des enfants perdus de Caro et Jeunet en 1995 (qui lui ont valu deux nominations aux César dans la catégorie « meilleurs costumes ») et du Cinquième Elément de Luc Besson en 1997. Jean Paul Gaultier voit aussi le jour dans le domaine de la parfumerie en 1993 et, en 2009, dans le maquillage avec une gamme destinée aux hommes, confirmant une nouvelle fois son goût pour la transgression et son désir de faire évoluer les codes et les normes.
Cette vision ouverte et décomplexée de la mode séduit et de nombreux artistes telles que Beth Ditto, Kylie Minogue, Dita von Teese, Madonna, Mylène Farmer ou encore Catherine Ringer font appel au couturier. En 2006 et 2011, Jean-Paul Gaultier reçoit d’ailleurs le Globe de cristal du meilleur créateur de mode, récompensant ainsi son talent. Toujours dans une optique de rendre hommage à l’ensemble de sa carrière, une exposition lui est consacrée au Grand Palais, en avril 2015.
Ainsi, en choisissant d’habiller à la fois les femmes et les hommes, en laissant tomber les barrières sur le sexe et le genre et en faisant défiler des gens de toutes tailles, de tous âges et parfois tatoués, Jean-Paul Gaultier a bousculé le monde de la mode avec sa vision libre et décomplexée et s’est imposé au fil des années comme un couturier emblématique. Ce partisan d’une nouvelle forme de beauté n’a eu de cesse de montrer son talent avec des collections de prêt-à-porter, de haute couture, de lingerie, pour sa propre marque et parfois pour d’autres. C’est donc naturellement que le 22 janvier dernier au théâtre du Châtelet, tous les sièges étaient occupés pour saluer le génie du créateur et admirer une dernière fois les pièces qui ont fait la renommée de la marque.
Le 4 mars dernier, le styliste a annoncé vouloir inviter chaque saison « un designer à interpréter les codes de la maison » et commencera cette nouvelle aventure avec Chitose Abe de Sacai. Cette collection haute couture devrait être dévoilée en juillet 2020 à l’occasion de la Fashion Week parisienne. On a hâte de voir le résultat !