C’est du 24 au 27 janvier 2022 que la semaine de la haute couture pour la saison printemps-été 2022 s’est tenue. À l’occasion de cette semaine de la mode toute particulièrement française, rythmée par la cadence de la créativité, de l’héritage et de l’innovation, des maisons historiques et de nouvelles recrues ont pu présenter le savoir-faire de leurs ateliers. Entre défilés et présentations digitales, les restrictions sanitaires étant toujours de rigueur, retour sur les collections les plus marquantes, et les plus décevantes.
L’héritage respecté : Jean-Paul Gaultier et Schiaparelli



Après Chitose Abe, c’est Glenn Martens qui s’est vu proposé de réinterpréter le vestiaire Jean Paul Gaultier, à l’occasion du défilé haute couture de la marque. Une mission qu’il a réussie haut la main, en signant un excellent défilé. Inspiré du corset JPG, le créateur belge derrière la marque Y/Project a proposé des silhouettes audacieuses et puissantes, qui nous ont complètement séduites.



C’est une collection d’une grande envergure que nous a offert Daniel Roseberry cette saison. Avec du blanc, du noir et de l’or, le designer continue son travail du volume et du corps à l’aide de silhouettes extravagantes et simples mais franches. Des épaules et des cols surdimensionnés, aux chapeaux vertigineux, en passant par les bijoux de corps d’or audacieux, le directeur artistique soutient avoir été inspiré des iconographies religieuses, d’un accès au ciel par cette collection. Le défilé qui s’est déroulé au Petit-Palais, a laissé à voir des inspirations des vestes de torero, déjà aperçues la saison précédente, mais aussi la tenue 11 qui n’est pas sans rappeler l’iconique soutien-gorge conique de Jean-Paul Gaultier. En clair, Roseberry a prouvé, une fois de plus, être une figure moderne, mais déjà classique, de la haute couture, en donnant encore plus de substance et de maturité à son travail, débordant de créativité, et ne cesse d’exciter notre admiration. Bravo!
L’incroyable des maisons étrangères : Elie Saab et Rahul Mishra



Habitué des défilés de haute couture depuis 2006, année de son inscription en tant que membre correspondant de la Chambre Syndicale de la Haute Couture, Elie Saab propose une collection florale et fraîche. Il propose des robes majestueuses teintées de blanc, de rose, de bleu, de violet, de vert, qui parfois se mélangent, à la coupe romantique et extravagante. Opulence de la flore et grandiose des coupes asymétriques, des traînes, et des manches, c’est une collection pleine de vie, absolument sublime, et prouve du savoir-faire des ateliers Elie Saab.



Rahul Mishra s’est imposé comme l’un des temps forts de la Fashion week, prouvant qu’il n’avait rien à envier aux grandes maisons de luxe (n’est – ce pas Dior) et que le visage de la haute couture française pouvait être incarné par un étranger. On appréciera son travail d’une technicité éminente, à travers les coupes innovantes mais aussi les couleurs chatoyantes choisies. La collection nous invite à plonger dans un univers floral, quasi psychédélique que nous avons adoré découvrir.
De ceux qui nous ont laissés sur notre faim : Azzaro et Valentino



Une collection harmonieuse : voilà ce que nous a servi Azzaro lors de cette semaine de la haute couture. La maison de luxe a en effet proposé une collection particulièrement bien maîtrisée, où les looks se faisaient échos les uns aux autres et dont les coupes traduisent un véritable souci du détail. Sans oublier le jeu au niveau des textures et des effets (paillettes, sequins, broderies). Il s’agit donc d’un bon défilé, mais pas mémorable auquel on reproche notamment la palette de couleurs jugée bien trop neutre.



Pierpaolo Piccioli a présenté pour cette saison une collection harmonieuse, cohérente, extrêmement bien ficelée et créée. Toutefois, la présentation pâlit face à ces prédécesseurs. On se souvient de la collection grandiose de la saison automne-hiver 2020, qui défie les lois de la gravité et du métrage gargantuesque de ces robes, ce moment semble révolue. Piccioli se concentre, malgré une richesse de la coupe, sur des silhouettes plus simples, plus portables, moins extravagantes, mais qui enlèvent une part du rêve Valentino. Toutefois, il faut souligner le mouvement de représentation de la diversité des modèles et des corps lors du défilé, une volonté déjà affirmée par le grand couturier italien qui a invité, depuis quelques saisons, les hommes, jusque-là absents des défilés de haute couture.
De ceux qui nous ont déçu : Chanel et Dior



L’héritage couture de Dior est riche d’une grande histoire. Le créateur a placé sa maison sous le signe du rêve et les défilés de Dior ont toujours été LE moment des fashion week. Pourtant, on ne peut s’empêcher de crisper le visage à la vue de cette collection printemps-été 2022. En charge des huit collections annuelles de la maison, Maria Grazia Chiuri, a placé l’humanité au coeur de sa collection : présenter le travail des experts des ateliers, galvaniser tous ensemble pour la confection d’une seule et même robe, en déployant un savoir-faire technique. À l’aide d’une palette de blanc, de noir, et de gris, la collection peine à séduire. Si certaines robes du soir font preuve d’une sophistication, l’ensemble reste assez médiocre : des silhouettes simples sans grand intérêt aux tissus fades, la collection ne reflète pas le luxe et l’excellence de Dior. Une impression de prêt-à-porter, qui certes, rend les tenues « portables », et donc favoriserait l’intérêt économique de cette collection couture ; la créativité et l’innovation se voient complètement mises de côté, voire absentes. Dommage pour une des maisons les plus influentes et légendaires de l’histoire de la mode moderne.



Au même titre que Dior, nous nous attendions à bien mieux de la part de Chanel, encore plus après un remarquable défilé printemps-été 2022 qui renouait avec des influences nineties. Il serait toutefois faux de dire qu’il s’agit d’un mauvais défilé. On a apprécié la gamme de couleurs et les motifs utilisés, qui contribuent à créer des looks féminins et délicats. Néanmoins, on reprochera le manque de diversité des tenues, qui semblent plus ou moins toutes être déclinées du même modèle prototype.
En définitive, notre avis sur la semaine de la mode Haute Couture est plutôt mitigé, avec de très belles découvertes, mais trop peu de marques qui ont osé prendre des risques et proposer des projets intéressants et aboutis. Les tenues témoignent d’un réel savoir-faire mais sont bien trop « lisses », fades par moment et surtout pas mémorables. Force est de constater, que nous avons préféré la semaine Menswear, bien plus forte en propositions mode.
ILGHET Nasser-Din et FONTAINE Aéris