Directeur artistique de la maison Saint Laurent depuis 2016, le styliste belge a su se faire une place de roi dans l’industrie de la mode. Discret et serein, à la différence des habituels Gargantuas de la cour, son travail exprime pour lui toute la sensibilité et l’élégance qui l’animent.
Originaire de Bruxelles, né en 1982, Vaccarello développe jeune des capacités artistiques à l’aide de cours d’arts plastiques. Conscient de cette nature sensible et créative, passionné par la photographie, il se dirige toutefois en faculté de droit, afin de satisfaire les attentes de ses parents. L’enfant unique se sent désarmé, fatigué et las de ses études qui ne lui correspondent pas. Et voyant leur ange perdre de son éclat, ses parents l’encouragent à poursuivre sa carrière artistique.
Certes, Vaccarello était un grand amoureux de la photographie, encore plus des images de Versace par Gianni, mais c’est finalement son sentiment d’être mauvais photographe, et son admiration pour Comme des Garçons et Alaïa, qui l’amèneront à poursuivre son instruction à l’École de la Cambre en tant qu »étudiant styliste. Là-bas, il y apprend à faire de la mode à la Belge : en créant du volume, en déconstruisant la silhouette, en intellectualisant son propos. Il y apprend à être créatif, à créer ses propres codes, jusqu’à en être diplômé en 2006, année durant laquelle il reportera le prix du Festival international de Hyères.
Repéré par Karl Largerfeld, il entre quelques mois plus tard chez Fendi en tant que styliste fourrure. Une première expérience dans l’industrie de luxe importante. Il avouera dans une interview pour le magazine Antitode : » […] ça m’a vraiment aidé à me former pour ce que je fais aujourd’hui. Je ne crée pas des vêtements qui ne peuvent pas être portés. Je ne veux certainement pas que mes vêtements soient un rêve, quelque chose qu’on met sur un piédestal. Je veux qu’ils soient portés et vécus. »
En 2011, il remporte le prix de l’Association Nationale pour le Développement des Arts de la Mode, il développe à toute allure ses activités pour sa marque éponyme. Un style nerveux, mordant, sexy et sobre à la fois, avec des tailleurs merveilleusement coupés, cintrés, des robes asymétriques et sulfureuses : Vaccarello concilie Milan et Bruxelles, le style de sa terre natale et sa terre d’adoption. Ses égéries se multiplient : Lou Douillon, Anja Rubik, Karli Kloss. Le nom d’Anthony circule comme un bruit de couloir avant d’arriver, bientôt, aux oreilles de la Grande Prêtresse italienne.



Car bientôt, c’est Donatella Versace qui s’empare de Vacarrello. Impressionné par la ligne qu’elle lui demande de dessiner pour la collection automne-hiver 2014/2015, il est immédiatement nommé directeur artistique de Versus par Versace. Le voilà baron de la mode. Elle déclare à son propos : « Antony a véritablement capturé l’esprit de Versus Versace. J’adore comme il fait avancer cette marque que j’aime vers une nouvelle génération. ». Vaccarello travaille Versus Versace et cette ligne « petite-soeur » propre à Donatella, tout en y infusant ses codes et son style. En 2016, le royaume du luxe éclate : Hedi Slimane est destitué de l’empire Saint Laurent qu’il avait rebâti, et tous les yeux de la cour sont tournés vers notre timide baro Vaccarello.



En avril 2016, comme un coup de tonnerre, est annoncée la destitution de Slimane et Anthony Vaccarello accède au plus haut, au plus grand grade de la mode : directeur artistique pour Yves Saint Laurent. Dès lors, le petit belge qui a choisi la mode presque par défaut, se retrouve à diriger l’une des plus grandes et importantes maisons de couture.
Depuis, Anthony Vaccarello a su diriger Saint Laurent avec audace, élégance, mais surtout avec succès. À bas le rock glamour d’Hedi Slimane, Saint Laurent retrouve ses lettres de nobelesses dans un esprit couture et français affirmé. Vaccarello modernise plus que jamais la maison légendaire, emploie un vocabulaire mode contemporain avec des pièces dans l’air du temps, mais avec ce soucis du détail et du travail bien fait. Il ne cesse d’user de tissus et d’étoffes luxueuses, de noir, d’or, travaillant les contrastes, les matières, les textures, les lumières. À la croisée des vestiaires, il adoucit et sensibilise l’homme Saint Laurent, tandis que dans la lignée du père créateur, il gonfle la femme Saint Laurent d’une attitude et de pouvoir.
Chez Saint Laurent, il renoue avec sa passion des images en créant des campagnes publicitaires élégantes, accompagnées de nouvelles égéries en vogue, tels que l’actrice Zoé Kravitz, ou la chanteuse Rosé, mais aussi des campagnes vidéo dans le désert pour la collection printemps-été 2021, ou bien dans un glacier pour la collection de l’hiver de la même année. Une production d’images aussi audacieuses, qu’impressionnantes et spectaculaires.
C’est cela finalement sa plus grande force. Anthony Vaccarello, c’est celui qui ne parle pas fort, qui n’ose pas déranger, celui qui reste discret, qui peut toujours se balader dans la rue sereinement, qui ne partage pas sa vie privée comme tant d’autres. Mais c’est celui qui impose ses idées, qui impose son style, dont le travail impressionne, comme une horde de mille soldats. Vaccarello chez Saint Laurent c’est le mordant du talon Opyum, c’est l’élégance et l’opulence des grandes fourrures, la sensualité des pièces près du corps et révélatrice, et l’implacable aura de la maison, revisitée.
Anthony Vaccarello, c’est le saint de Saint Laurent.
ILGHET Nasser-Din